Corona Virus

Les angles morts du consentement libre et éclairé à tout prix

Au début de décembre 2021, le regroupement Réinfo-Covid diffusait une vidéo qui décourageait la vaccination des enfants. Une fausse conférence de presse, sans journalistes pour confronter leurs idées, a été mise en scène pour présenter les arguments du regroupement. Parmi les panélistes, on trouvait madame Karine Collette (est professeur au département des lettres et communications de l’Université de Sherbrooke) qui parlait d’éthique et du consentement libre et éclairé. Ce sont là deux thèmes qui m’interpellent et sur lesquels je travaille depuis des années. J’avais envie d’amener un autre point de vue sur l’éthique, le consentement libre et éclairé et le contexte d’urgence pandémique. Je crois qu’il est pertinent de parler de consentement libre et éclairé et d’éthique en leur donnant la place qui leur revient dans la situation actuelle.

Le discours sur le consentement libre et éclairé tel que présenté par madame Collette est un discours individualiste mettant l’emphase sur : « Oui, mais moi… » pour invoquer le droit à la dissidence. Madame Collette confond la liberté de choix à l’absence de contrainte face à des choix dissidents. Madame Collette semble croire que la liberté de faire un choix devrait être accompagnée de l’absence de peur face à ce choix. Cette vision du choix et de la liberté est, en somme, une vision adolescente de la liberté et du libre choix. Choisir demande du courage. 

Choisir la liberté est, en soit, extrêmement contraignant et nécessite un courage suffisant pour vivre en cohérence avec ses choix et ses valeurs. La liberté est tout sauf facile, car la liberté vient avec un poids et non l’allègement souhaité par les adolescents. La liberté implique le risque de se tromper, le risque de se faire critiquer, le risque d’être isolé. La liberté coûte cher et demande la force nécessaire pour accepter les conséquences qui viennent avec.

Madame Collette aborde aussi l’aspect de l’éthique du consentement libre et éclairé en oubliant le fondement même de l’éthique; des actions qui visent à la fois à rejoindre le mieux-être pour moi, pour l’autre et pour l’ensemble de la collectivité. On ne peut pas parler d’éthique sans parler de la collectivité. En présentant un visage individualiste de l’éthique, madame Collette sabre sur le sens même de l’éthique. Une décision éthique est une décision responsable qui prend en considération le groupe. Une personne qui revendique son droit à ce que le gouvernement, les médecins, « eux » agissent de façon éthique en se soustrayant à sa propre responsabilité à agir de façon éthique est une personne qui manque de maturité et qui s’accorde une place démesurément importante en ce qui concerne une réalité collective. Une personne revendiquant un consentement libre et éclairé à tout prix est une personne qui a peu souvent été dans une posture de leader qui doit agir au mieux avec les contraintes actuelles.

Plusieurs personnes ne veulent pas se faire vacciner, car elles n’ont pas confiance en la capacité des médecins ou de la Santé Publique à guider la population pour prendre une décision libre et éclairée. Regardons alors des figures de proue du consentement libre et éclairé. Pensons aux sages-femmes; ces professionnelles accompagnent des personnes à prendre des décisions libres et éclairées tout au cours de leur grossesse. Maintenant, demandez à n’importe quelle sage-femme quelle place prendra le consentement libre et éclairé dans une situation ou la personne qui accouche ou son bébé est en train de mourir. Quand il y a urgence, on agit. Qu’on croie au consentement libre et éclairé ou non, les situations d’urgence nécessitent que les personnes compétentes prennent le « lead » avec parfois moins d’explications que dans une situation où « on a le temps ».

Prenons une autre figure de proue du consentement libre et éclairé : Marshall Rosenberg, le père de la Communication Non Violente (CNV). On pourrait difficilement trouver mieux en termes de porte-parole Pro consentement libre et éclairé. Même Marshall Rosenberg reconnaît que parfois, une personne va agir avec une « force protectrice ». Il faut observer si l’intention de la personne ou du groupe qui utilise la force est de protéger ou de punir.

À moins d’avoir de sérieuses distorsions cognitives concernant les intentions du gouvernement, il est clair que les décideurs, et ce, à travers le monde, cherchent à protéger la population et non à la punir. Toutes les mesures actuelles visent à protéger, même les plus frustrantes d’entre elles. Et lorsque des leaders assument leur rôle de leader, ils prennent des décisions difficiles, tout en étant conscients que la situation d’urgence nécessite d’agir rapidement, quitte à bousculer certaines personnes, malgré toutes les bonnes intentions du monde. Une personne mature émotionnellement sera capable de reconnaître que le consentement libre et éclairé a ses limites et que dans les situations d’urgence, on doit faire confiance que les décisions qui seront prises le seront dans le but de protéger. Que ce processus est imparfait et qu’il comporte une certaine marge d’erreur. Mais que ça prend des gens en avant qui vont prendre ces décisions avec les informations qu’ils ont au moment de les prendre. Quand on est dans une posture de leader, on assume le risque en prenant la décision la plus sécuritaire possible dans le contexte. Mais pour comprendre cette réalité et le poids de cette responsabilité, il faut être sorti de l’adolescence et avoir le courage d’entrer en action avec la sécurité de tout un groupe sur la conscience. Cette posture est beaucoup plus difficile à soutenir que celle de choisir « de ne rien faire » et de critiquer ceux qui agissent.

Je suis consciente que mon point de vue sur le consentement et l’éthique ne fera pas l’affaire de tous. Je suis consciente que se faire renvoyer à sa propre responsabilité individuelle comme membre du groupe quand on est dans un groupe est confrontant. C’est correct d’être bousculé. C’est correct d’avoir peur. C’est correct de se sentir impuissant. Mais la peur et l’impuissance ne viennent pas tellement du fait qu’on abuse de vous. Ces émotions viennent du fait qu’on est dans une situation exceptionnelle dont les données ne sont pas toutes disponibles pour prendre la parfaite décision libre et éclairée. Il y a un paquet d’affaires qu’on ne sait pas. Qu’on connaîtra peut-être plus tard. Et en ce moment, « rien faire » ce n’est pas une décision éthique. Ça demande de suivre les conseils des personnes qui en connaissent plus que vous. Ça demande d’accepter qu’ils vont peut-être se tromper et que si ça arrive, ça aura eu lieu avec les meilleures intentions au moment où il a fallu agir. Votre consentement, peu importe à quoi, sera davantage libre et éclairé si vous reconnaissez votre propre peur, vos propres limites, votre propre impuissance. On ne va pas sauver tout le monde. Mais on va essayer d’en sauver le plus possible. On a tous une part de responsabilité dans cette direction collective. Et votre consentement libre et éclairé n’en sera pas réellement un si vous niez que vous faites partie de ce groupe.

En ces temps difficiles, n’hésitez pas à partager ce texte si vous jugez qu’il peut aider vos proches à maintenir le cap sur les priorités et sur la façon dont ils peuvent contribuer à mettre fin à cette guerre mondiale.

Sophie Morin
Sophie Morin
sexologue et psychothérapeute
Chargée de cours pour le cours « Conscience réflexive et intervention » au certificat « 
Sexualité: Enjeux de société et pratique d’intervention » de l’Université de Montréal.


2 réflexions sur “Les angles morts du consentement libre et éclairé à tout prix

  • Anne-Hélène Jutras

    Vous écrivez :  » […] il est clair que les décideurs, et ce, à travers le monde, cherchent à protéger la population et non à la punir. »

    Pouvez-vous prouver votre point SVP? En quoi cela est-il clair? Parce que cela n’est pas clair du tout pour moi. Merci!

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    • Francis Beaulieu

      On parle d’une pandémie. Représentez-vous un virus pandémique comme du feu, quand le feu est pris, il faut évacuer les personnes et en empêcher d’autres d’aller se mettre en danger en érigeant des barrages routiers. Il est clair que les décideurs des pays occidentaux actuels, non seulement laisse entrer le feu, mais une fois bien pris, ils tentent de l’éteindre avec des demies mesures comme le couvre-feu. Malheureusement c’est déjà trop tard, le mal c’est répandu depuis longtemps et on ne fait qu’atténuer le problème. Mais chaque décision, n’est clairement pas dans le but de punir, c’est dans le but de protéger, même si c’est très très maladroit comme gestion.

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